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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/395

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n’y croissaient pas à côté des narcisses, et j’y cherchai vainement l’ombre d’une amaranthe ; mais le gazon émaillé de fleurettes, les rochers tapissés de mousse, la source limpide et son lit de sable, sur lesquels une allée d’arbres où plutôt une charmille épaisse, festonnée de plantes grimpantes, jetait son ombre veloutée, suppléaient, en partie, à l’absence des accessoires dont nous venons de parler. Une charmante symphonie égayait d’ailleurs cette solitude, où, à défaut de Philomèle, les merles, les tourterelles, les tarins, les choclopocochos[1] faisaient assaut de vocalises, et brodaient sur la basse continue de la rivière, qui grondait à vingt pas, les plus charmantes fioritures. L’immense futaie était à la fois une volière et un orchestre. Un instant j’eus l’idée de faire un croquis de ce chemin, mais je reconnus bientôt l’impossibilité de satisfaire ce désir. Quel trait du crayon, ou quel ton de la palette eût rendu ce murmure, cette fraîcheur, cette harmonie, ce voile de poésie, enfin, qui, pareil au ventus textilis de Pétrone, l’enveloppait comme une gaze ! Je remis donc dans mes sacoches l’album que j’avais ouvert, comprenant que le gracieux paysage n’était qu’un de ces souvenirs charmants que l’on conserve dans la

  1. Petit sylvain, dont le plumage rappelle celui de notre pie d’Europe. Comme il n’apparaît dans la vallée qu’à l’époque de la révolte du maïs, tes Indiens l’ont surnommé précurseur du maïs (de choclo, épi, pocochanki, qui annonce).