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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/40

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monteras. « Trahison ! trahison ! » criai-je ; il était trop tard. Le bataillon de Pomacagua chargeait nos Indiens, pendant que les hommes barbus, se jetant sur la mule de Tupac-Amaru, la forçaient à galoper vers la ville.

« Surpris par cette brusque attaque, et découragés par la perte du chef, nos Indiens prirent la fuite en m’entraînant avec eux. J’errai quelque temps dans les environs, fou d’inquiétude, mais n’osant pas descendre à Cuzco, dont les Espagnols gardaient l’entrée des faubourgs. Un jour, n’y pouvant plus tenir, je pris les habits d’un Leñatero, et, poussant devant moi un âne chargé de fagots, j’entrai dans la ville par la quebrada de Sapi. Cuzco avait un air de fête ; les rues étaient jonchées de feuillage, les portales du cabildo tendus d’étoffes rouges comme pour une procession du Corpus, et les Huarmis espagnoles se montraient à leurs balcons avec des fleurs dans les cheveux.

« J’eus comme un pressentiment de malheur, et mes tempes se mouillèrent d’une sueur froide. Des Indiens allaient et venaient par les rues, mais, craignant qu’ils ne fussent du parti de l’Espagnol, je me gardai bien de les questionner. Tout à coup, des cris s’élevèrent du côté du Huatanay[1] ; la foule y courut ; je suivis la foule. Les portes du couvent des

  1. Ruisseau torrentueux descendu des montagnes, et qui coupe la ville de Cuzco du nord au sud.