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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/41

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Pères de Jésus étaient ouvertes à deux battants, et des hallebardiers espagnols en gardaient le seuil. Je grimpai sur le mur d’une chicheria pour voir ce qui s’allait passer. Je n’attendis pas longtemrps ; un homme parut sous le porche, soutenu par deux soldats qui l’aidaient à marcher, car la torture avait brisé ses os. Un nuage rouge passa devant mes yeux en reconnaissant Tupac-Amaru. À sa vue, les tambours battirent, la foule cria, et les Huarmis des balcons agitèrent leurs mouchoirs.

« Une mule caparaçonnée de noir attendait le patient. Les soldats l’assirent sur sa croupe, le visage tourné vers la queue de l’animal. De grosses larmes tombaient une à une de mes yeux, en regardant le cacique, dont le visage était serein et la toilette digne de sa naissance. Il avait mis ce jour-là un uncu[1] de satin noir brodé d’or, des bas de soie blancs, et des souliers de velours noir. Une lourde chaîne d’or, qui soutenait un crucifix, pendait sur sa poitrine.

« D’autres prisonniers vinrent à sa suite. Je reconnus tour à tour la femme de mon ami, ses deux fils, son oncle et son neveu le niño Mendiburu. On les conduisit au cabildo pour y être jugés. Quand ils furent passés, je me cachai la tête dans ma llacolla

  1. L’uncu des Ando Péruviens, courte tunique sans manches, que portaient autrefois les Incas. C’est l’Ichcahuepiili des anciens Mexicains. Ce vêtement est depuis longtemps passé de mode.