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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/420

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taille, d’apparence robuste, avait un long nez et était fort adonné aux femmes, appréciation qui doit être exacte, à en juger par la postérité nombreuse qu’il laissa après lui.

Autour de sa litière se pressait une garde d’élite, composée de ces curacas ou caciques, que les conquérants espagnols qualifièrent irrévérencieusement d’orejones (oreillards), sous prétexte que le lobe de leurs oreilles balayait leurs épaules Quatre de ces dignitaires abritaient, sous des parasols de plumes, la personne de Tupac Yupanqui. À leur suite venaient des musiciens (collas), jouant d’une flûte à cinq trous, et donnant le ton aux morions et aux baladins de Huamanga, qui exécutaient des danses de leur pays, se perçaient la langue avec des aiguilles, éteignaient dans leur bouche des charbons enflammés, ou simulaient entre eux des combats grotesques. Derrière cette troupe joyeuse, s’avançait gravement, la tête couverte d’une draperie de laine, teinte avec l’ayrampu, cette pourpre des Quechuas, le respectable corps des Amautas, savants, selon les uns, philosophes, selon les autres. Les Yaravicus ou rhapsodes fermaient la marche, en chantant à haute voix les louanges du maître, que leurs vers hyperboliques appelaient Pachayachachic, c’est-à-dire vainqueur universel.

Au moment où la litière de l’Inca s’arrêtait devant les monolithes de la grande place, sur lesquels deux Amautas, assis à califourchon comme des ra-