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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/65

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salon bleu, où le préfet de Calca leur chantait un Yaravi[1], en s’accompagnant sur la guitare.

Notre arrivée fut saluée par un cri de joie. Les ñustas m’accueillirent comme une vieille connaissance et me firent asseoir entre elles sur le sofa. Le chanoine, après s’être enquis de l’heure du dîner, nous quitta pour aller lire son office, et don José se remit à filer des sons.

La voix du préfet, que j’entendais pour la première fois adapter ses intonations aux exigences du solfége, était bien un peu rauque, un peu cassée, et sa méthode de chant assez détestable, mais il avait affaire à un auditoire indulgent, plus disposé à l’encouragement qu’à la critique, et son yaravi, écouté, dans le plus grand silence, parut causer à ces dames un sensible plaisir.

Quand il eut fini, il me tendit la guitare, que je repoussai comme si elle eût été de fer rouge, sous le double prétexte qu’une laryngite paralysait en ce moment mes ressources vocales et qu’un rhumatisme articulaire, pris en vovage, m’ôtait l’usage de mes doigts. La guitare fut accrochée à un clou et la conversation, traitant de omni re scibili et quibusdam aliis, dura jusqu’au moment où le laquais indien vint annoncer que la soupe était servie.

« Allons avertir mon oncle, dit la plus jeune des

  1. Poésie ancienne, qui se chante sur un mode lent et triste ; de Yaravicu, poëte ou plutôt rhapsode, du temps des Incas.