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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/66

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altesses, qui prit le bras de Balcarcel, me laissant offrir le mien à son aînée.

Nous trouvâmes le chanoine dans son potager, vaste enclos séparé de la cour d’honneur par un mur en briques. L’illustre vieillard avait dépouillé son costume de ville et s’occupait à tendre des piéges aux oiseaux qui dévoraient ses semences. Nous le rejoignîmes pendant qu’il se lavait les mains dans l’auge du puits.

« Vous ne vous doutez guère, me dit-il, des souvenirs qui se rattachent à ce lieu-ci. Regardez d’abord au-dessus du mur de clôture cette tour carrée qui touche au couvent de Santo Domingo. »

Je levai le nez vers la lourde masse qui bornait tout un côté du potager.

« Cette tour, reprit le chanoine, est le piédestal sur lequel l’image du Soleil était placée autrefois. Chaque matin, l’astre du jour, en se levant, la caressait de son premier rayon. Ce terrain, planté de légumes, était le célèbre coricancha[1] ou jardin des Incas. Au lieu de fleurs naturelles, il portait, comme son nom l’indique, des fleurs d’or, façonnées avec une rare habileté par des ciseleurs de Huamanga. L’eau dans laquelle je viens de laver mes mains, et dont la source est inconnue, servait aux ablutions matutinales du villacuma, ou grand pontife. Le bassin qui la contenait était revêtu de lames

  1. Cancha, jardin ; ccori, or.