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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/76

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et les genoux. Les deux sœurs, électrisées par nos bravos, redoublèrent le jeu de leurs hanches et de leurs mouchoirs, et finirent par se tordre comme des couleuvres. Tout à coup, ô contre-temps inattendu ! deux cordes de l’instrument, trop vivement sollicitées, se rompirent avec un bruit strident qui nous fit tressaillir. Balcarcel jeta un cri, les vierges du Soleil s’arrêtèrent, et comme il ne se trouva pas dans la maison de cordes de rechange, que les boutiques étaient fermées à cause du dimanche, force fut de remettre le Jaleo à un autre jour. À la faveur de cet incident, je pus effectuer ma sortie, sans trop d’opposition de la part de mes hôtes.

Le lendemain, le préfet de Calca accourait chez moi pour me serrer la main, me faire ses adieux et me prier d’être son interprète auprès du chanoine et de sa famille, qu’il n’avait pas le temps de voir. Une émeute d’Indiens, dans la maison d’un cabaretier qui avait refusé de leur donner à boire, l’obligeait, me dit-il, à se rendre en toute hâte dans sa préfecture, pour apaiser les troubles, punir les factieux et prévenir les horreurs d’une guerre civile.

« Bon voyage, lui dis-je, et n’oubliez pas, dans la relation de l’événement que vous adresserez al supremo Gobierno, de faire du cabaretier un chef de parti, des ivrognes autant de guerilleros, de changer le vin absorbé en sang répandu, et les bouteilles en carabines ; cela vous vaudra quelque aubaine. »