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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/78

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ne troubler ni son plaisir ni sa digestion, promettant de revenir le lendemain avant mon départ.

Levé de bonne heure, j’expédiai d’abord mon guide et mes bagages, avec ordre de m’attendre à Urcos ; je réglai ensuite mes comptes avec mon hôtesse, et n’eus plus qu’à monter sur ma mule et à courir chez le chanoine, que je supposais encore endormi. À mon grand étonnement, je trouvai sa porte ouverte et le paisible logis sens dessus dessous. Trois chevaux, sellés et bridés, piaffaient dans la cour ; l’oncle et les nièces étaient en habits de voyage, et le laquais empilait au fond d’une manne des bouteilles de tout format et des comestibles de toute sorte.

« Vous partez donc aussi ? m’écriai-je.

— Belle question ! fit le chanoine. Est-ce qu’un Inca laissa jamais sortir son hôte de Cuzco sans l’accompagner un bout de chemin et sans vider avec lui une dernière coupe ? »

Pendant que je me confondais en remercîments, les princesses m’offrirent chacune un bouquet de leurs plus belles fleurs, que je plantai galamment dans les fontes de ma selle, en essayant de leur tourner un madrigal dans leur propre langue, où je les comparais à deux tourterelles sorties du même œuf et roucoulant de concert à l’ombre d’un tunal[1].

  1. Cactus tuna. Cette plante, qui, dans les parties tempérées du bas Pérou, couvre de vastes espaces et atteint jusqu’à huit