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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/81

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tions copieuses, je me levai pour prendre définitivement congé de mes hôtes. Soit que chez moi l’émotion fût au comble, soit que les rasades versées par les princesses m’eussent porté au cerveau, trouvant la parole au-dessous de la circonstance, je les embrassai tour à tour, oublieux de leur rang et de leur sexe, et sans que mon audace parût les courroucer. Le chanoine eut aussi sa part de mes embrassements, et, comme son émotion était pour le moins égale à la mienne, il voulut me tenir l’étrier quand je me mis en selle, excès d’honneur que je ne me résignai à subir qu’après avoir tout mis en œuvre pour m’y soustraire.

Je partis enfin, chargé des souhaits de bonheur de mes nobles amis, marchant au petit pas et me retournant à chaque minute pour répondre du geste aux signes d’affection qu’ils continuaient de m’adresser avec leurs mouchoirs. Un coude du chemin ne tarda pas à les dérober à ma vue, et, pour échapper aux idées noires qui me venaient en foule, je ne vis rien de mieux que de lancer ma mule à fond de train.

Je galopai de si bon cœur qu’à six heures du soir j’avais atteint le lac d’Urcos, où m’attendait mon guide, franchi deux relais de poste, et fait sans y songer neuf lieues de Cordillère.

Je revis successivement les sites que j’avais traversés deux mois auparavant : Tungasuca, dont la