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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/9

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crus sur parole, et, après avoir transformé mes pellons en matelas et fait de ma selle un oreiller, je parvins à m’endormir malgré la cuisson de mes yeux et les quintes d’une toux opiniâtre.

Levés avec le jour qui teignait de rose et de bleu les neiges des pitons voisins, nous poursuivîmes notre route dans la direction du nord. La chaîne des Andes déployait devant nous ses ramifications immenses, qui variaient d’aspect à chaque instant. Une brise vivifiante, dont le soleil levant atténuait un peu la froideur, dilatait nos poumons et prêtait aux animaux une énergie singulière. À cette heure, plus n’était besoin de la voix ou de l’éperon pour activer leur allure ; la mule de charge, maîtresse de ses mouvements, trottait en tête, le nez au vent, les oreilles dressées, poussant des hennissements joyeux, auxquels nos montures répondaient d’un ton plus grave, comme si elles eussent voulu témoigner par là de l’impatience et du malaise que leur occasionnait le poids de nos individus.

De Cangallo à Huallata, où nous devions terminer la journée, on compte environ douze lieues. Le chemin, accidenté comme tous ceux de la Cordillère, passe successivement du nadir au zénith, à travers des formations minérales de tout genre ; tantôt il serpente au fond d’une gorge étroite et profonde, au-dessus de laquelle le ciel apparaît comme un mince ruban d’azur, tantôt il contourne