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LE MARI PASSEPORT

— Mais avec quels documents relatifs à l’affaire ?

— Aucun. On m’a dit : « Tu es libre ». Je ne sais pas non plus si je suis condamnée à payer une rançon, ou s’il faut rendre à la famille de Soleiman le prix qu’il m’a soi-disant achetée. Je ne sais pas non plus si je suis prisonnière à Djeddah ou si je suis définitivement libérée.

— Je vais attendre la notification officielle.

— Attendons.

La journée passe pour moi dans la joie. Seule, je sais en ce moment apprécier le retour dans la liberté et la civilisation. J’ai vécu la mort autant que cela est possible à une vivante. Aussi, je touche toutes choses comme si je revenais de l’au-delà.

Les réalités les plus minimes m’emplissent de bonheur. Mille idées me traversent : je voudrais emporter des souks des tas de souvenirs. Je désire aller revoir et remercier ma chère Sett Kébir.

Le conseil veut éviter tout incident et me prie de ne pas sortir dans les souks. Nous allons seulement, le soir, nous promener au bord de la mer.

Je suis dévoilée, pensant qu’aucun Arabe ne me reconnaîtra. Mais, en passant devant ma prison, je fais de grands gestes d’amitié à mes gardiens. C’est en vain qu’on veut arrêter mes démonstrations, car ici ce sont des actes dangereux et inconvenants. Un peu plus de discrétion serait de meilleur goût, mais je n’ai pas la force de retenir la fièvre heureuse qui m’emplit.

Cependant, je ne puis rester dans cette étrange situation d’une femme hier sous le coup d’une accusation capitale et qui ne sait si elle est en liberté provisoire ou non. Le consul fait téléphoner à l’émir de Djeddah pour connaître le texte du jugement rendu.