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Page:Marguerite de France - Memoires et Lettres.djvu/116

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[1577]
MÉMOIRES

voir, en quoi vous empirerez la condition de vostre mary plustost que de l’amender. »

Je me retiray avec beaucoup de desplaisir de cette cruelle sentence, et prenant advis des principaux de la cour, de mes amys et amies, ils me representent qu’il me seroit mal-seant de demeurer en une cour si ennemie du Roy mon mary, et d’où l’on luy faisoit si ouvertement la guerre ; et qu’ils me conseilloient, pendant que cette guerre dureroit, de me tenir hors de la cour, mesme qu’il me seroit plus honnorable de trouver, s’il estoit possible, quelque pretexte pour sortir du royaume, ou sous couleur de pelerinage, ou pour visiter quelqu’une de mes parentes. Madame la princesse de La Roche-sur-Yon[1] estoit de ceux que j’avois assemblez pour prendre leur advis, qui estoit sur son partement pour aller aux eaux de Spa. Mon frere aussi y estoit présent, qui avoit amené avec luy Mondoucet, qui avoit esté agent du Roy en Flandre, et en estant depuis peu revenu, avoit représenté au Roy combien les Flamans souffroient à regret l’usurpation que l’Espagnol faisoit sur le roy de France de la domination et souveraineté de Flandre, que plusieurs seigneurs et communautez des villes l’avoient chargé de luy faire entendre combien ils avoient le cœur françois, et que tous luy tendoient les bras. Mondoucet voyant que le

  1. Philippe de Montespedon, veuve de Charles de Bourbon, prince de La Roche-sur-Yon, duc de Beaupréau. Elle avait épousé en premières noces René de Montejean, maréchal de France. Elle était mère du marquis de Beaupréau dont il est parlé ci-dessus, page 5. Morte le 12 avril 1578.