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Page:Marguerite de France - Memoires et Lettres.djvu/117

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DE MARGUERITE DE VALOIS.

Roy mesprisoit cet advis, n’ayant rien en la teste que les huguenots, à qui il vouloit faire ressentir le desplaisir qu’ils luy avoient faict d’avoir assisté mon frere, ne luy en parle plus, et s’adresse à mon frere, qui, du vray naturel de Pyrrus, n’aymoit qu’à entreprendre choses grandes et hazardeuses, estant plus né à conquerir qu’à conserver ; lequel embrasse soudain cette entreprise, qui luy plaist d’autant plus qu’il voit qu’il ne faict rien d’injuste, voulant seulement r’acquerir à la France ce qui luy estoit usurpé par l’Espaignol[1]. Mondoucet pour cette cause s’estoit mis au service de mon frere, qui le renvoyoit en Flandre soubs couleur d’accompaigner madame la princesse de La Roche-sur-Yon aux eaux de Spa ; lequel voyant que chacun cherchoit quelque prétexte apparent pour me pouvoir tirer hors de France durant cette guerre (qui disoit en Savoye, qui disoit en Lorraine, qui à saint Claude, qui à Nostre-Dame de Lorette), dit tous bas à mon frere : « Monsieur, si la royne de Navarre pouvoit feindre avoir quelque mal, à quoy les eaux de Spa, où va madame la princesse de La Roche-sur-Yon, peussent servir, cela viendroit bien à propos pour vostre entreprise de Flandre, où elle pourroit frapper un grand coup. » Mon frère le trouva fort bon, et fust fort aise de cette ouverture, et s’escria soudain : « O Royne, ne cherchez plus, il faut que vous alliez aux eaux de Spa, où va madame la princesse de La Roche-sur-Yon. Je vous ay veu autrefois

  1. C’était l’ancienne souveraineté de France sur la Flandre et l’Artois, à laquelle il avait été renoncé par les traités de Madrid et de Cambrai.