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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/100

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IJe JOURNÉE

fut contraincte ceste dame vefve de s’y trouver, ce qu’elle n’avoit accoustumé en aultre lieu. Et, quand les François la veirent, ils feirent grande estime de sa beaulté & de sa bonne grace, & sur tous ung dont je ne diray le nom ; mais il vous suffira qu’il n’y avoit François en Italie plus digne d’estre aimé que cestuy là, car il estoit accomply de toutes les beaultez & graces que Gentil homme pourroit avoir, &, combien qu’il veist ceste Dame avecq son crespe noir, séparée de la jeunesse en ung coing avecq plusieurs vieilles, comme celuy à qui jamais homme ne femme ne fait paour, se meit à l’entretenir, ostant son masque & abandonnant les dances pour demourer en sa compaignie, & tout le soir ne bougea de parler à elle & aux vieilles toutes ensemble, où il trouva plus de plaisir que avec toutes les plus jeunes & braves de la Court, en sorte que, quand il fallut se retirer, il ne pensoit pas encore avoir eu le loisir de s’asseoir. Et, combien qu’il ne parlast à ceste Dame que de propos communs qui se peuvent dire en telle compaignie, si est ce qu’elle congneut bien qu’il avoit envie de l’accointer, dont elle délibéra de se garder le mieulx qu’il luy seroit possible, en sorte que jamais plus en festin ny en grande compaignie ne la peut veoir.

Il s’enquist de sa façon de vivre, & trouva qu’elle alloit souvent aux églises & Religions, où il meit