Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/110

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
96
IJe JOURNÉE

çonneux ou crainctif du mal & dommaige de son maistre, avoit tousjours espies à l’entour de son gouvernement, pour sçavoir ce que ses ennemis faisoient, & s’y conduisoit si saigement que peu de choses luy estoient célées. Entre autres advertissemens luy escripvit l’un de ses amis que le Comte Guillaume avoit prins quelque somme d’argent avecq promesse d’en avoir davantaige pour faire mourir le Roy, en quelque sorte que ce peust estre.

Le Seigneur de La Trimoille ne faillit point incontinant de l’en venir advertir & ne le céla à Madame sa mère, Loise de Savoye, laquelle oublia l’alliance qu’elle avoit à cest Allemant & supplia le Roy de le chasser bien tost, lequel la requist de n’en parler poinct qu’il estoit impossible que ung si honneste Gentil homme & tant homme de bien entreprinst une si grande meschanceté.

Au bout de quelque temps vint encores ung autre advertissement, confirmant le premier, dont le Gouverneur, bruslant de l’amour de son maistre, luy demanda congé ou de le chasser ou d’y donner ordre ; mais le Roy luy commanda expressément de n’en faire nul semblant & pensa bien que par autre moyen il en sçauroit la vérité.

Ung jour qu’il alloit à la chasse, print la meilleure espée qu’il estoit possible de veoir pour toutes armes, & mena avecq luy le Comte Guillaume,