Aller au contenu

Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
109
XVIIJe NOUVELLE

depuis ceste heure là en avant, sans empeschement ne fascherie il eut la fruition telle qu’il la pouvoit desirer.


« Je vous prie, mes Dames, trouvez moy une femme qui ait esté si ferme, si patiente & si loyale en amour que cest homme cy a esté. Ceulx qui ont expérimenté telles tentations trouvent celles que l’on painct en sainct Anthoine bien petites au pris : car qui peut estre chaste & patient avecq la beaulté, l’amour, le temps & le loisir des femmes, sera assez vertueux pour vaincre tous les Diables.

— C’est dommage, » dist Oisille, « qu’il ne s’adressa à une femme aussi vertueuse que luy, car ce eust esté la plus parfaicte, la plus honneste amour dont l’on oyt jamais parler.

— Mais, je vous prie, » dist Geburon, « dictes lequel tour vous trouvez le plus difficile des deux ?

— Il me semble, « dist Parlamente, « que c’est le dernier, car le despit est la plus forte tentation de toutes les autres ».

Longarine dist qu’elle pensoit que le premier fust le plus mauvais à faire, car il falloit qu’il vainquist l’Amour & soy mesmes pour tenir sa promesse.

« Vous en parlez bien à voz aises, » dit Simontault, « mais nous, qui sçavons que la chose vault, en debvons dire notre opinion. Quand est de moy, je l’estime à la première fois sot & à la dernière fol, car je croy que, en tenant promesse à sa Dame, elle avoit autant ou plus de peine que luy. Elle ne luy faisoit faire ce serment sinon pour se faindre plus femme de bien