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IJe JOURNÉE

qu’elle n’estoit, se tenant seure que une forte amour ne se peut lier ny par commandement, ne par serment, ne par chose qui soit au monde, mais elle vouloit faindre son vice si vertueux qu’il ne pouvoit estre gaingné que par vertuz heroïcques. Et la seconde fois il se montra fol de laisser celle qui l’aimoit & valoit mieulx que celle où il avoit serment au contraire, & si avoit bonne excuse sur le despit de quoy il estoit plein ».

Dagoucin le reprint disant qu’il estoit de contraire opinion & que à la première fois il se montra ferme, patient & véritable, & à la seconde loyal & parfaict en amitié.

— Et que sçavons-nous, » dist Saftredent, s’il estoit de ceulx qu’un chapitre nomme de frigidis & maleficiatis ? Mais, si Hircan eût voulu parfaire sa louange, il nous debvoit compter comme il fut gentil compaignon quand il eut ce qu’il demandoit, & à l’heure pourrions juger si sa vertu ou impuissance le feit estre si saige ».

— Vous pouvez bien penser, » dist Hircan, « que, s’il le m’eust dict, je ne l’eusse non plus celé que le demourant ; mais, à veoir sa personne & congnoistre sa complexion, je l’estimeray tousjours avoir été conduict plustost de la force d’amour que de nulle impuissance ou froideur.

— Or, s’il estoit tel que vous dictes, » dist Simontault, « il debvoit rompre son serment, car, si elle se fust courroucée pour si peu, elle eust esté legièrement appaisée.

— Mais, » dist Ennasuitte, « peut estre qu’à l’heure elle ne l’eust pas voulu.