Aller au contenu

Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
132
IJe JOURNÉE

quelque chose pour un Gentil homme, ce seroit pour luy seullement comme le plus parfaict qu’elle avoit jamais congneu, le priant de se contenter, sans oultre passer, de ceste honneste amitié. Et d’aultre part l’asseuroit si fort que, si elle congnoissoit qu’il prétendist davantaige, sans se contenter de la raison, que du tout il la perdroit. Le pauvre Gentil homme non seullement se contentoit, mais se trouvoit très heureux d’avoir gaingné le cueur de celle où il pensoit tant d’honnesteté.

Il seroit long de vous racompter le discours de son amitié, la longue fréquentation qu’il eut avecq elle, les voyages qu’il faisoit pour la venir veoir ; mais, pour venir à la conclusion, ce pauvre martir d’un feu si plaisant que, plus on brusle, plus on en veult brusler, cherchoit tousjours le moyen d’augmenter son martire.

Ung jour luy print fantaisie d’aller veoir en poste celle qu’il aymoit plus que luy mesme & qu’il estimoit par dessus toutes les femmes du monde. Luy arrivé en sa maison demanda où elle estoit ; on luy dist qu’elle ne faisoit que venir de Vespres & estoit entrée en sa Garenne pour parachever son Service. Il descendit de cheval & s’en alla tout droit en ceste Garenne où elle estoit, & trouva ses femmes qui luy dirent qu’elle s’en alloit toute seule promener en une grande allée.

Il commença à plus que jamais espérer quelque