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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/159

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XXJe NOUVELLE

Damoiselle Rolandine, car leurs fortunes, complexions & conditions estoient fort pareilles. Et, se complaignans l’un à l’autre de leurs infortunes, prindrent une très grande amitié &, se trouvans tous deux compaignons de malheur, se cherchoient en tous lieux pour se consoler l’un l’autre, & en ceste fréquentation s’engendra une très grande & longue amitié.

Ceulx qui avoient veu la Damoiselle Rolandine si retirée qu’elle ne parloit à personne, la voyans incessamment avec le bastard de bonne Maison, en furent incontinent scandalisez & dirent à sa gouvernante qu’elle ne debvoit endurer ces longs propos, ce qu’elle remonstra à Rolandine, luy disant que chascun estoit scandalisé de ce qu’elle parloit tant à ung homme qui n’estoit assez riche pour l’espouser ny assez beau pour estre amy.

Rolandine, qui avoit tousjours esté plus reprise de son austérité que de ses mondanitez, dist à sa gouvernante : « Helas, ma mère, vous voyez que je ne puis avoir ung mary selon la Maison d’où je suis, & que j’ay tousjours fuy ceulx qui sont beaulx & jeunes, de paour de tumber aux inconvéniens où j’en ay veu d’autres. Et je trouve ce Gentil homme icy saige & vertueux comme vous sçavez, lequel ne me presche que toutes choses bonnes & vertueuses. Quel tort puis je tenir à