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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/161

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XXJe NOUVELLE

Maison ne faisoit Amour moindre effort ; mais luy, qui avoit desja conclud en son cueur de l’aimer & de tascher de l’espouser, regardant avec l’amour l’honneur que ce luy seroit s’il la povoit avoir, pensa qu’il falloit cercher moyen pour luy déclarer sa volunté & surtout gaingner sa gouvernante, ce qu’il feyt en luy remonstrant la misère où estoit tenue sa pauvre maistresse, à laquelle on vouloit oster toute consolation. Dont la bonne vieille en pleurant le remercia de l’honneste affection qu’il portoit à sa maistresse, & advisèrent ensemble le moyen comme il pourroit parler à elle. C’estoit que Rolandine fairoit souvent semblant d’estre malade d’une migraine, où l’on craint fort le bruict, &, quand ses compaignes iroient en la chambre de la Royne, ils demeureroient tous deux seuls & là il la pourroit entretenir.

Le bastard en fut fort joyeulx & se gouverna entièrement par le conseil de ceste gouvernante, en sorte que, quand il vouloit, il parloit à s’amie. Mais ce contentement ne luy dura guères, car la Royne, qui ne l’aimoit pas fort, s’enquit que faisoit tant Rolandine en la chambre. Et, combien que quelqu’un dist que c’estoit pour sa maladie, toutesfois ung autre, qui avoit trop de mémoire des absens, luy dist que l’ayse qu’elle avoit d’entretenir le bastard de bonne Maison luy debvoit faire passer sa migraine.