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IIJe JOURNÉE

rendiez heureux & vous la plus satisfaicte & la mieux traictée femme qui oncques fut. »

Rolandine, escoutant le mesme propos qu’elle avoit délibéré de luy tenir, luy respondit d’un visaige content :

« Je suis très aise dont vous avez commencé le propos dont, lonc temps a, j’avois délibéré vous parler & auquel, depuis deux ans que je vous congnoys, je n’ay cessé de penser & de repenser en moy mesmes toutes les raisons pour vous & contre vous que j’ay peu inventer. Mais à la fin, sçachant que je veulx prendre l’estat de mariage, il est temps que je commence & que je choisisse celuy avec lequel je penseray mieux vivre au repos de ma conscience. Je n’en ay sçeu trouver un, tant soit il beau, riche ou grand Seigneur, avec lequel mon cueur & mon esprit se peust accorder sinon à vous seul. Je sçay qu’en vous espousant je n’offense poinct Dieu, mais fais ce qu’il commande, &, quant à Monseigneur mon père, il a si peu pourchassé mon bien & tant refusé que la loy veult que je me marie sans ce qu’il me puisse deshériter. Quand je n’auray que ce qui m’appartient, en espousant ung mary tel envers moy que vous estes, je me tiendray la plus riche du monde. Quant à la Royne ma maistresse, je ne doibtz poinct faire conscience de luy desplaire pour obéyr à Dieu, car elle n’en a poinct faict de m’empes-