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XXJe NOUVELLE

Toutesfois, si d’un costé l’occasion leur falloit, Amour leur en trouvoit une autre plus aisée, car il arriva à la Cour une dame de laquelle le bastard estoit proche parent. Ceste Dame avecq son fils furent logez en la maison du Roy, & estoit la chambre de ce jeune Prince avancée toute entière outre le corps de la maison où le Roy estoit, tellement que de sa fenestre povoit veoir & parler à Rolandine, car les deux fenestres estoyent proprement à l’angle des deux corps de maison. En ceste chambre, qui estoit sur la salle du Roy, estoient logées toutes les Damoiselles de bonne Maison compagnes de Rolandine, laquelle, advisant par plusieurs fois ce jeune Prince à sa fenestre, en feyt advertir le bastard par sa gouvernante, lequel, après avoir bien regardé le lieu, feit semblant de prendre fort grand plaisir de lire ung livre des Chevaliers de la Table ronde qui estoit en la chambre du Prince.

Et, quand chacun s’en alloyt disner, pryoit ung Varlet de chambre le vouloir laisser achever de lire & l’enfermer dedans la chambre & qu’il la garderoit bien. L’autre, qui le congnoissoyt parent de son Maistre & homme seur, le laissoit lire tant qu’il luy plaisoit. D’autre costé venoit à sa fenestre Rolandine, qui, pour avoir occasion d’y demeurer plus longuement, feingnit d’avoir mal à une jambe, & disnoyt & souppoyt de si bonne