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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/191

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XXIJe NOUVELLE

ne voulut plus endurer la gloire de ce malheureux régner, ainsy que vous verrez.

Ung jour, allant visiter ung Couvent près de Paris, qui se nomme Gif, advint que, en confessant toutes les Religieuses, en trouva une, nommée Marie Heroet, dont la parole estoit si doulce & agréable qu’elle promectoit le visaige & le cueur estre de mesme. Par quoy, seulement pour l’ouyr, fut esmeu en une passion d’amour qui passoit toutes celles qu’il avoit eues aux autres Religieuses, & en parlant à elle se baissa fort pour la regarder, & apperçeut la bouche si rouge & si plaisante qu’il ne se peut tenir de luy haulser le voile pour veoir si les œilz accompaignoient le demeurant, ce qu’il trouva, dont son cueur fut remply d’une ardeur si véhémente qu’il perdit le boire & le manger & toute contenance, combien qu’il la dissimuloit. Et, quand il fut retourné en son Prieuré, il ne povoit trouver repos, par quoy en grande inquiétude passoyt les jours & les nuictz, en cherchant les moyens comme il pourroit parvenir à son desir & faire d’elle comme il avoit faict de plusieurs autres, ce qu’il craingnoit estre difficile pource qu’il la trouvoit saige en paroles & d’un esperit subtil, & d’autre part se voyoit si laid & si vieulx qu’il délibéra de ne luy en parler poinct, mais de chercher à la gaingner par craincte.

Par quoy bien tost après s’en retourna au dict