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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/227

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XXIIIJe NOUVELLE

obéir à vostre commandement, vous ay je tenu promesse, car il n’y a ne aura jamais aultre imaige en mon cueur que celle que vous avez veue au dehors de mon estomach, & ceste là seule veulx-je aymer, révérer & adorer, non comme femme, mais comme mon Dieu en Terre, entre les mains de laquelle je mects ma mort & ma vie, vous suppliant que ma parfaicte & grande affection, qui a esté ma vie tant que je l’ay portée couverte, ne soit ma mort en la descouvrant. Et, si ne suis digne d’estre de vous regardé ny accepté pour serviteur, au moins souffrez que je vive, comme j’ay accoustumé, du contentement que j’ay d’ont mon cueur a osé choisir pour le fondement de son amour ung si parfaict & digne lieu, duquel je ne puis avoir autre satisfaction que de sçavoir que mon amour est si grande & parfaicte que je me doibve contenter d’aimer seulement, combien que jamais je ne puisse estre aimé. Et, s’il ne vous plaist par la congnoissance de ceste grande amour m’avoir plus aggréable que vous n’avez accoustumé, au moins ne m’ostez pas la vie, qui consiste au bien que j’ay de vous veoir comme j’ay accoustumé. Car je n’ay de vous nul bien que autant qu’il en fault pour mon extrême nécessité &, si j’en ay moins, vous en aurez moins de serviteurs en perdant le meilleur & le plus affectionné que vous eustes oncques ny pourriez jamais avoir. »