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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/234

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IIJe JOURNÉE

Du feu bruslant dont vous estes remplye
Comme en beauté très parfaicte acomplye.
Je ne puis mieulx dire adieu à tous maux,
À tous malheurs & douloureux travaux,
Et à l’enfer de l’amoureuse flamme
Qu’en ung seul mot vous dire : Adieu, Madame,
Sans nul espoir, où que soye ou soyez,
Que je vous voye ne que vous me voyez.


Ceste Epistre ne fut pas leue sans grandes larmes & estonnemens, accompaignez de regrets incroïables, car la perte qu’elle avoit faicte d’un serviteur remply d’une amour si parfaicte debvoit estre estimée si grande que nul trésor, ny mesme son royaulme, ne luy povoient oster le tiltre d’estre la plus pauvre & misérable Dame du monde pour ce qu’elle avoit perdu ce que tous les biens du monde ne povoient recouvrer. Et, après avoir achevé d’oyr la messe & retourné en sa chambre, feit ung tel dueil que sa cruaulté meritoit, & n’y eut montaigne, roche, ne forest où elle n’envoyast chercher cest Hermite ; mais Celluy qui l’avoit retiré de ses mains le garda d’y retumber & le mena plus tost en Paradis qu’elle n’en sçeut avoir nouvelle en ce monde.


« Par ceste exemple ne doibt le serviteur confesser ce qui luy peult nuire & en rien ayder. Et encores moins, mes Dames, par incrédulité debvez vous demander preuve si difficile que, en ayant la preuve, vous perdiez le serviteur.