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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/236

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IIJe JOURNÉE

d’Enfer ne m’eussent sçeu faire pis que ceulx qu’elle me donnoyt, ne me daigna jamais prendre, sçachant qu’il n’est poinct Diable plus importable que une Dame bien aymée & qui ne veult poinct aymer.

— Si j’estois comme vous, » dist Parlamente à Saffredent, « avecq telle opinion que vous avez je ne servirois femme.

— Mon affection est tousjours telle, » dist Saffredent, « & mon erreur si grande que, là où je ne puis commander, encores me tiens je très heureux de servir, car la malice des Dames ne peut vaincre l’amour que je leur porte. Mais je vous prie, dictes moy en vostre conscience, louez vous ceste Dame d’une si grande rigueur ?

— Ouy, » dist Oysille, « car je croy qu’elle ne vouloyt estre aymée ny aimer.

— Si elle avoit ceste volunté, » dist Simontault, « pourquoy luy donnoit elle quelque espérance après les sept ans passez ?

— Je suis de vostre opinion, » dist Longarine, « car celles qui ne veulent poinct aymer ne donnent nulle occasion de continuer l’amour qu’on leur porte.

— Peut estre, » dist Nomerfide, « qu’elle en aimoit quelque autre, qui ne valoit pas cest honneste homme là, & que pour ung pire elle laissa le meilleur.

— Par ma foy, » dist Saffredent, « je pense qu’elle faisoit provision de luy pour le prendre à l’heure qu’elle laisseroit celuy que pour lors elle aimoit le mieux.

— Je voy bien, » dist Oisille, « que tant plus nous mettrons ces propos en avant, & plus ceux qui ne veulent estre mal traictez diront de nous le pis