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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/240

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IIJe JOURNÉE

fascha. Par quoy la jeunesse, qui ne peut souffrir ung ennuy, luy feit chercher récréation ailleurs qu’en sa maison, & alla aux dances & bancquetz, toutesfois si honnestement que son mary n’en povoit prendre mauvaise opinion, car elle estoit tousjours en la compaignie de celles à qui il avoit fiance.

Ung jour qu’elle estoit à une nopce, s’y trouva ung bien grand Prince qui, en me faisant le compte, m’a deffendu de le nommer. Si vous puis je bien dire que c’estoit le plus beau & de la meilleure grace qui ayt esté devant, ne qui, je croys, sera après en ce Royaume.

Ce Prince voyant ceste jeune & belle Dame de laquelle les œilz & contenance le convièrent à l’aimer, vint parler à elle d’un tel langaige & de telle grace qu’elle eust voluntiers commencé ceste harangue. Ne luy dissimula point que de long temps elle avoit en son cueur l’amour dont il la prioit, & qu’il ne se donnast point de peine pour la persuader à une chose où par la seule veue Amour l’avoit faict consentir. Ayant ce jeune Prince par la naïveté d’Amour ce qui méritoit bien estre acquis par le temps, mercia Dieu qui luy favorisoit, & depuis ceste heure là pourchassa si bien son affaire qu’ilz accordèrent ensemble le moyen comme ilz se pourroient veoir hors de la veue des autres.