Aller au contenu

Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/241

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
227
XXVe NOUVELLE

Le lieu & le temps accordez, le jeune Prince ne faillit à s’y trouver &, pour garder l’honneur de sa Dame, y alla en habit dissimulé, mais, à cause des mauvais garsons qui couroient la nuict par la Ville auxquels il ne se vouloit faire congnoistre, print en sa compaignie quelques Gentils hommes auxquels il se fioit. Et au commencement de la rue où elle demeuroit les laissa, disant : « Si vous n’oyez poinct de bruict dedans un quart d’heure, retirez vous en voz logis, & sur les trois ou quatre heures revenez icy me quérir », ce qu’ils feirent &, n’oyans nul bruict, se retirèrent.

Le jeune Prince s’en alla tout droict chez son Advocat, & trouva la porte ouverte comme on luy avoit promis. Mais, en montant le degré, rencontra le mary qui avoit en sa main une bougie, duquel il fut plus tost veu qu’il ne le peut adviser. Toutesfois Amour, qui donne entendement & hardiesse où il baille les necessitez, feit que le jeune Prince s’en vint tout droict à luy & luy dist :

« Monsieur l’Advocat, vous sçavez la fiance que moy & tous ceulx de ma Maison avons eue en vous & que je vous tiens de mes meilleurs & fidelles serviteurs. J’ay bien voulu venir icy vous visiter privément, tant pour vous recommander mes affaires que pour vous prier de me donner à boire, car j’en ay grand besoing, & de ne dire à personne du monde que je soye icy venu, car de