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XXVJe NOUVELLE

— C’est dommaige, » dist Nomerfide, « d’ont vous avez une femme de bien, veu que non seullement vous desestimez la vertu des choses, mais la voulez monstrer estre vice.

— Je suys bien aise, » dist Hircan, » d’avoir une femme qui n’est poinct scandalleuse, comme aussi je ne veulx poinct estre scandaleux ; mais, quant à la chasteté de cueur, je croy qu’elle & moy sommes enfans d’Adan & d’Eve, par quoy, en bien nous mirant, n’aurons besoing de couvrir nostre nudité de feulles, mais plustost confesser notre fragilité.

Je sçay bien, » ce dist Parlamente, « que nous avons tous besoing de la grâce de Dieu pour ce que nous sommes tous encloz en péché ; si est ce que noz tentations ne sont pareilles aux vostres &, si nous péchons par orgueil, nul tiers n’en a dommage, ny nostre corps & nos mains n’en demeurent souillées. Mais vostre plaisir gist à deshonorer les femmes & vostre honneur à tuer les hommes en guerre, qui sont deux poinctz formellement contraires à la loy de Dieu.

— Je vous confesse, » ce dist Geburon, « ce que vous dictes, mais Dieu qui a dict : Quiconques regarde par concupiscence est desjà adultère en son cueur, & quiconque hayt son prochain est homicide. À votre advis les femmes en sont elles exemptes non plus que nous ?

— Dieu qui juge le cueur, » dist Longarine, « en donnera sa sentence, mais c’est beaucoup que les hommes ne nous puissent accuser, car la bonté de Dieu est si grande que sans accusateur il ne nous jugera poinct & congnoist si bien la fragilité de nos