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XXXe NOUVELLE

rier bien & haultement, mais, à cause qu’elle estoit pauvre, se trouvoit trop de serviteurs, mais poinct de mary.

Ung jour advint que le Gentil homme, qui estoit son père incongneu, retournant de là les montz, vint en la maison de la Royne de Navarre, où, si tost qu’il eut advisé sa fille, il en fut amoureux &, pour ce qu’il avoyt congé de sa mère d’espouser telle femme qu’il luy plairoit, ne s’enquist sinon si elle estoit Gentille femme &, sçachant que oy, la demanda pour femme à la dicte Royne, qui très voluntiers la lui bailla, car elle sçavoyt bien que le Gentil homme estoyt riche &, avecq la richesse, beau & honneste.

Le mariage consommé, le Gentil homme rescripvit à sa mère, disant que doresnavant ne luy povoyt nyer la porte de sa maison, veu qu’il luy menoyt une belle-fille aussi parfaicte que l’on sçauroit desirer. La Dame, qui s’enquist quelle alliance il avoyt prinse, trouva que c’estoit la propre fille d’eulx deux, dont elle eut ung deuil si désespéré qu’elle cuyda mourir soubdainement, voyant que tant plus donnoyt d’empeschement à son malheur & plus elle estoyt le moien d’ont augmentoyt.

Elle, qui ne sçeut aultre chose faire, s’en alla au Légat d’Avignon auquel elle confessa l’énormité de son péché, demandant conseil comme elle se debvoit conduire. Le Légat, satisfaisant à sa con-