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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/352

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IIIJe JOURNÉE

bien, & je pense, quant vous avez bien regardé en ce mirouer, au lieu de vous fier en vos propres forces, vous aprendrez à vous retourner à Celluy en la main duquel gist vostre honneur.

— Je suys bien ayse, » dist Parlamente, de quoy vous estes advenu prescheur des Dames, & le serois encore plus si vous vouliez continuer ces beaux sermons à toutes celles à qui vous parlez.

— Toutes les fois, » dist Hircan, « que vous me vouldrez écouter, je vous asseure que je n’en diray pas moins.

— C’est-d-dire, » dist Simontault, « que, quant vous n’y serez pas, il dira aultrement.

— Il en fera ce qu’il luy plaira, » dist Parlamente, « mais je veulx croire pour mon contentement qu’il dict toujours ainsi. À tout le moings l’exemple qu’il a alléguée servira à celles qui cuydent que l’amour spirituelle ne soit poinct dangereuse, mais il me semble qu’elle l’est plus que toutes les aultres.

— Si me semble il, » dist Oisille, « que aymer ung homme de bien, vertueux & craingnant Dieu, n’est poinct chose à despriser & que l’on n’en peult que mieulx valloir.

— Madame, » dist Parlamente, « je vous prie croyre qu’il n’est rien plus sot ne plus aysé tromper que une femme qui n’a jamais aymé ; car amour de soy est une passion qui a plustost saisy le cueur que l’on ne s’en advise, & est ceste passion si plaisante que, si elle se peut ayder de la vertu pour luy servir de manteau, à grand peyne sera elle congneue qu’il n’en vienne quelque inconvénient.

— Quel inconvénient sçauroit il venir, » dist Oisille, « d’aymer ung homme de bien ?