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XXXVIJe NOUVELLE

voir gaingné son mary par patience & longue attente que si la Fortune & les parens luy en donnoyent ung plus parfaict.

— Voilà, » dist Oisille, « un exemple qui doibt servir à toutes les femmes maryées.

— Il prandra cest exemple qui vouldra, » dist Parlamente, « mais, quant à moy, il ne me seroyt possible d’avoyr si longue patience, car, combien que en tous estatz patience soyt une belle vertu, j’ay oppinion que en mariage elle ameine enfin inimitié pour ce que, en souffrant injure de son semblable, on est contrainct de s’en séparer le plus que l’on peut, & de ceste estrangeté là vient ung despris de la faulte du desloyal ; & en ce despris, peu à peu l’amour diminue, car d’autant ayme l’on la chose que l’on en estime la valleur.

— Mais il y a danger, » dist Ennasuicte « que la femme impatiente trouve ung mary furieulx, qui luy donnera douleur en lieu de patience.

— Et que sçauroyt faire ung mary, » dist Parlamente, « que ce qui a esté racompté en ceste histoire ?

— Quoy ? » dist Ennasuicte ; « battre très bien sa femme, la faire coucher en la couchette, & celle qu’il aymeroyt au grand lict.

— Je croy, » dist Parlamente, « que une femme de bien ne seroyt poinct si marrie d’estre battue par collère que d’estre desprisée pour une qui ne la vault pas, &, après avoir porté la peyne de la séparation d’une telle amityé, ne sçauroit faire le mary chose dont elle se sçeust plus soulcier. Et aussy dit le compte que la peyne qu’elle print à la retirer fut pour l’amour qu’elle avoyt à ses enffans, ce que je croy.

— Et trouvez-vous grand patience à elle, » dist No-