encores des termes dont nous avons accoustumé de tromper les plus fines & d’estre escoutez des plus saiges. Car qui est celle qui nous fermera les aureilles, quand nous commencerons nostre propos par l’honneur & par la vertu ? Mais, si nous leur monstrions nostre cueur tel qu’il est, il y en a beaucoup de bien venuz entre les Dames de qui elles ne tiendroient compte. Mais nous couvrons nostre diable du plus bel ange que nous pouvons trouver &, soubz ceste couverture, avant que d’estre congneuz, recevons beaucoup de bonnes chères. Et peut estre tirons les cueurs des Dames si avant que, pensant aller droict à la vertu, quand elles congnoissent le vice elles n’ont le moyen ny le loisir de retirer leurs pieds.
— Vrayement, » dist Geburon, « je vous pensois autre que vous ne dictes & que la vertu vous feust plus plaisante que le plaisir.
Comment ? » dist Saffredent, « est il plus grande vertu que d’aymer comme Dieu le commande ? Il me semble que c’est beaucoup mieulx faict d’aymer une femme comme femme que d’en idolatrer plusieurs comme on fait d’une imaige. Et quant à moy, je tiens ceste opinion ferme qu’il vault mieulx en user que d’en abuser. »
Les Dames furent toutes du costé de Geburon & contraignirent Saffredent de se taire, lequel dist : « Il m’est bien aisé de n’en plus parler, car j’en ay esté si mal traicté que je n’y veulx plus retourner.
— Vostre malice, » ce luy dist Longarine, « est cause de vostre mauvais traictement, car qui est l’honneste femme qui vous vouldroit pour serviteur après les propos que nous avez tenuz ?