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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/54

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IJe JOURNÉE

quelle elle remict à son retour. Mais elle se trouva fort empêchée du diamant, car elle n’avoit poinct accoustumé de se parer aux despens d’aultres que de son mary. Par quoy elle, qui estoit de bon entendement, pensa de faire proficter cest anneau à la conscience du Capitaine. Elle depescha un sien serviteur, qu’elle envoya à la Demoiselle femme du Capitaine, en feingnant que ce fust une Religieuse de Tarascon qui luy escripvit une telle lettre :

Madame, Monsieur vostre mary est passé par icy bien peu avant son embarquement &, après s’estre confessé & reçeu son Créateur comme bon Chrétien, m’a déclairé ung faict qu’il avoit sur la conscience, c’est le regret de ne vous avoir tant aymée comme il debvoit. Et me pria & conjura à son partement de vous envoyer ceste lettre avec ce diamant, lequel il vous prie garder pour l’amour de luy, vous asseurant que, si Dieu le faict retourner en santé, jamais femme ne fut mieulx traictée que vous serez, & ceste pierre de fermeté vous en fera foy pour luy.

Je vous prie l’avoir pour recommandé en vos bonnes prières, car aux miennes il aura part toute ma vie.

Ceste lettre, parfaicte & signée au nom d’une