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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/56

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IJe JOURNÉE

dicte Dame, lesquels deux elle avoit donnez au Capitaine pour faire le voyage avecq luy, dont l’un mourut auprès de luy, & le Turc, avec quinze coups de flèches, se saulva à nouer jusques dedans les vaisseaulx François.

Et par luy seul fut entendue la verité de toute ceste affaire, car ung Gentil homme, que le pauvre Capitaine avoit prins pour amy & compaignon, & l’avoit avancé envers le Roy & les plus grands de France, si tost qu’il veid mettre pied à terre au dict Capitaine retira bien avant en la mer ses vaisseaulx. Et, quand le Capitaine veid son entreprinse descouverte & plus de quatre mil Turcs, se voulut retirer comme il debvoit. Mais le Gentil homme, en qui il avoit eu si grande fiance, voyant que par sa mort la charge luy demouroit seule de ceste grande armée & le profict, meit en avant à tous les Gentils hommes qu’il ne falloit pas hazarder les vaisseaulx du Roy, ne tant de gens de bien, qui estoient dedans, pour saulver cent personnes seulement, & ceulx qui n’avoient pas trop de hardiesse furent de son opinion.

Et voyant le dict Capitaine que, plus il les appelloit & plus ils s’eslongnoient de son secours, se retourna devers les Turcs estant au sablon jusques au genoil, où il feit tant de faicts d’armes & de vaillances qu’il sembloit que luy seul deust deffaire tous ses ennemis, dont son traistre com-