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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome II.djvu/66

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IJe JOURNÉE

— Je te prie, mon amy », ce luy dist Bonnivet, « compte moy la sorte de ton entreprinse pour veoir s’il y a tromperie ou hazard, pour te y servir de bon amy. » Le Gentil homme luy va compter comme elle avoit moyené de faire laisser la grande porte de la maison ouverte, soubz coulleur de quelque maladie qu’avoit un de ses frères, pour laquelle à toute heure falloit envoyer à la ville quérir ses necessitez, & qu’il pourroit entrer seurement dedans la court, mais qu’il se gardast de monter par l’escallier, & qu’il passast par ung petit degré qui estoit à main droicte, & entrast en la premiere gallerie qu’il trouveroit, où toutes les portes des chambres de son beau père & de ses beaulx frères se rendoient ; & qu’il choisist bien la troisiesme plus près du dict degré, &, si en la poussant doulcement il la trouvoit fermée, qu’il s’en allast, estant asseuré que son mary estoit revenu, lequel toutesfois ne devoit revenir de deux jours ; & que, s’il la trouvoit ouverte, il entrast doucement & qu’il la refermast hardiment au coureil, sachant qu’il n’y avoit qu’elle seule en la chambre, & que surtout il n’oubliast à faire faire des soulliers de feutre, de paour de faire bruict ; & qu’il se gardast bien de venir plus tost que deux heures après minuict ne fussent passées, pource que ses beaulx frères, qui aymoient fort le jeu, ne s’alloient jamais coucher qu’il ne fust plus d’une heure.