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IJe JOURNÉE

pour se arrester à luy. Mais elle le pria bien fort que pour quelque temps il ne se trouvast en lieu ne festin où elle fust, sinon en masque, car elle sçavoit bien qu’elle auroit si grande honte que sa contenance la déclaireroit à tout le monde.

Il luy en feit promesse, & aussi la pria que, quand son amy viendroit à deux heures, elle luy feit bonne chère, & puis peu à peu elle s’en pourroit deffaire, dont elle feit si grande difficulté que, sans l’amour qu’elle luy portoit, pour rien ne l’eust accordé. Toutesfois en luy disant adieu la rendit si satisfaicte qu’elle eust bien voulu qu’il y fust demouré plus longuement.

Après qu’il fut levé & qu’il eut reprins ses habillemens, saillit hors de la chambre & laissa la porte entr’ouverte comme il l’avoit trouvée. Et, pour ce qu’il estoit près de deux heures & qu’il avoit paour de trouver le Gentil homme en son chemin, se retira au hault du degré, où bien tost après il le veid passer & entrer en la chambre de sa Dame.

Et luy s’en alla en son logis pour reposer son travail, ce qu’il feit de sorte que neuf heures du matin le trouvèrent au lict, où à son lever, arriva le Gentil homme, qui ne faillit à luy compter sa fortune, non si bonne comme il l’avoit espérée, car il dist que, quand il en la chambre de sa Dame, il la trouva levée en son manteau de nuict,