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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/161

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LIIIJe NOUVELLE

Le Gentil homme, qui ne se donnoyt de garde, estant seur que sa femme ne les povoyt veoir, baisa sa Chamberière, ce que pour une foys sa femme endura sans dire mot ; mais, quand elle veit que les umbres retournoyent souvent à ceste union, elle eut paour que la vérité fut couverte dessoubz, par quoy elle se print tout hault à rire, en sorte que les umbres eurent paour de son ris & se séparèrent. Et le Gentil homme luy demanda pourquoy elle ryoit si fort, & qu’elle lui donnast part de sa joieuseté. Elle luy respondit : « Mon mary, je suis si sotte que je ris à mon umbre. » Jamais, quelque enqueste qu’il en sçeut faire, ne luy en confessa autre chose. Si est ce qu’il laissa ceste face umbrageuse.


« Et voilà de quoy il m’est souvenu, quant vous avez parlé de la Dame qui aymoyt l’amye de son mary.

— Par ma foy, » dist Ennasuicte, « si ma Chamberière m’en eut faict aultant, je me fusse levé & luy eusse tué la chandelle sur le nez.

— Vous estes bien terrible, » dist Hircan, « mais ce eust été bien emploié si vostre mary & la Chamberière se fussent mis contre vous & vous eussent très bien battue, car pour ung baiser ne fault pas faire si grand cas. Encores eut bien faict sa femme de ne luy en dire mot & luy laisser prendre sa récréation, qui eut peu garir sa maladie.

— Mais, » dist Parlamente, « elle avoit paour que la fin du passetemps le feit plus malade.