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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/162

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VJe JOURNÉE

— Elle n’est pas, » dit Oisille, « de ceulx contre qui parle nostre Seigneur : Nous vous avons lamentez & vous n’avez poinct pleurė, nous vous avons chanté & vous n’avez dancé ; car, quant son mary estoyt mallade, elle ploroit &, quant il estoyt joieulx, elle ryoit. Ainsy toutes femmes de bien deussent avoir la moictié du bien, du mal, de la joye & de la tristesse de son mary & l’aymer, servir & obéyr comme l’Église à Jésus Christ.

— Il fauldroit doncques, mes Dames, » dist Parlamente, « que noz mariz fussent envers nous comme Crist envers son Église.

— Aussy faisons nous, » dist Saffredent, « &, si possible estoyt, nous passerions, car Crist ne morut que une foys pour son Église ; nous morons tous les jours pour nos femmes.

— Morir, » dist Longarine ; « il me semble que vous & les aultres qui sont icy vallez mieulx escuz que ne valliez grands blancs quand vous fustes mariez.

— Je sçay bien pourquoy, » dist Saffredent ; « c’est pour ce que souvent nostre valeur est esprouvée, mais si se sentent bien noz espaules d’avoir longuement porté la cuyrasse.

— Si vous aviez esté contrainctz, » dist Ennasuicte, « de porter un moys durant le harnoys & coucher sur la dụre, vous auriez grand desir de recouvrer le lict de vostre bonne femme & porter la cuyrasse dont vous vous plaingnez maintenant. Mais l’on dict que toutes choses se peuvent endurer, sinon l’aise, & ne congnoist on le repos, sinon quand on l’a perdu. Ceste vaine femme, qui ryoit quant son mary estoit joieulx, aymoyt bien à trouver son repos partout.

— Je croy, dist Longarine, « qu’elle aymoit mieulx