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XLIJe NOUVELLE

s’ayda de son Sommelier & luy promist de grands biens s’il luy aydoit en ceste affaire, ce que le Sommelier s’offrit voluntiers, tant pour plaire à son Maistre que pour le fruict qu’il en espéroit, & tous les jours comptoit au Prince ce qu’elle disoyt ou faisoyt, mais que sur tout fuyoit les occasions qui luy estoient possibles de le veoir. Si est ce que la grande envye qu’il avoyt de parler à elle à son aise luy feit chercher ung expédient.

C’est que ung jour il alla mener ses grandz chevaulx, dont il commençoit bien à sçavoir le mestier, en une grande place de la ville, devant la maison de son Sommelier où Françoise demeuroit, &, après avoir faict maintes courses & saulx, qu’elle povoyt bien veoir, se laissa tumber de son cheval dedans une grande fange si mollement qu’il ne se feyt poinct de mal. Si est ce qu’il se plaingnit assez & demanda s’il y avoyt poinct de logis pour changer ses habillemens. Chacun présentoit sa maison, mais quelcun dist que celle du Sommelier estoit la plus prochaine & la plus honneste ; aussy fut elle choisie sur toutes.

Il trouva la chambre bien accoustrée & se despouilla en chemise, car tous ses habillemens estoient souillez de la fange, se meist dedans ung lict &, quand il veid que chacun fut retiré pour aller quérir ses habillemens, excepté le Gentil homme, appela son hoste & son hostesse & leur