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XLIIJe NOUVELLE

cerviers ? Allez luy dire qu’il y a quelcun de ses amys qui veult parler à luy en la Gallerie du Jardin de céans. » Et, ainsy que le Paige y alla, elle passa par la Garderobbe de sa Maistresse & s’en alla en ceste Gallerie, ayant mis sa cornette basse & son touret de nez.

Quant le Gentil homme fut arrivé où elle estoyt, elle va incontinant fermer les deux portes par où on povoyt venir sur eulx &, sans oster son touret de nez, en l’embrassant bien fort luy va dire, le plus bas qu’il luy fut possible :

« Il y a long temps, mon amy, que l’amour que je vous porte m’a faict desirer de trouver lieu & occasion de vous povoir veoir ; mais la craincte de mon honneur a esté pour un temps si forte qu’elle m’a contraincte, malgré ma volunté, de dissimuler ceste passion. Mais en la fin la force d’amour a vaincu la craincte, &, par la congnoissance que j’ay de vostre honnesteté, si vous me voulez promectre de m’aymer & de jamais n’en parler à personne, ne vous vouloir enquérir de moy qui je suis, je vous asseureray bien que je vous seray loyale & bonne amye & que jamais je n’aimeray autre que vous ; mais j’aymerois mieulx morir que vous sçeussiez qui je suys. »

Le Gentil homme luy promist ce qu’elle demandoit, qui la rendit très facille à luy rendre la pareille, c’est de ne luy refuser chose qu’il voulsist