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Ve JOURNÉE

lict, qui dormoyt bien fort, & toute endormye la print par force.

La pauvre fille en s’esveillant ne sçavoyt si c’estoyt homme ou Diable & se print à crier tant qu’il luy fut possible, appellant sa mère à l’ayde, laquelle au bout du degré cryoit au Cordelier : « N’en ayez poinct de pitié, Monsieur ; donnez luy encores & chastiez ceste mauvaise garse. » Et, quant le Cordelier eut parachevé sa mauvaise volunté, descendit où estoit la Damoiselle & luy dit avecq ung visaige tout enflambé : « Je croy, ma Damoiselle, qu’il souviendra à vostre fille de ma discipline. »

La mère, après l’avoir remercié bien fort, monta en la chambre où estoit sa fille, qui menoyt un tel deuil que debvoit faire une femme de bien à qui ung tel crime estoit advenu. Et, quant elle sçeut la verité, feyt chercher le Cordelier partout, mais il estoyt desjà bien loing & oncques puis ne fut trouvé au Royaume de France.


« Vous voiez, mes Dames, quelle seureté il y a à bailler telles charges à ceulx qui ne sont pour en bien user. La correction des hommes appartient aux hommes & des femmes aux femmes, car les femmes à corriger les hommes seroient aussi piteuses que les hommes à corriger les femmes seroient cruelz.

— Jésus, ma Dame, » dist Parlamente, « que voylà ung vilain & meschant Cordelier !