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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/92

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Ve JOURNÉE

de ladicte croix, pourveu qu’elle n’y soit plus attachée. »


« Voilà une partie des prédications de ce vénérable de Valles, de la vie duquel je ne vous feray d’autre récit, & pour cause ; mais bien vous diray je, quelque bonne mine qu’il feist, car je l’ay congneu, qu’il tenoit beaucoup plus le party des femmes que celuy des hommes.

— Si est ce, ma Dame, » dist Parlamente, « qu’il ne le monstra pas à ce dernier sermon donnant instruction aux hommes de les mal traicter.

— Or vous n’entendez pas sa ruze, » dist Hircan ; « aussi n’estes vous pas exercitée à la guerre pour user des stratagêmes y requis, entre lesquels cestuy ci est un des plus grands, sçavoir est mettre sédition civile dans le camp de son ennemy pource que lors il est trop plus aisé à vaincre. Aussi ce maistre moyne cognoissoit bien que la haine & courroux d’entre le mary & la femme sont le plus souvent cause de faire lascher la bride à l’honnesteté des femmes, laquelle honnesteté, s’esmancipant de la garde de la vertu, se trouve plus tost entre les mains des loups qu’elle ne pense estre égarée.

— Quelque chose qu’il en soit, » dist Parlamente, « je ne pourrois aimer celuy qui auroit mis divorce entre mon mary & moy, mesmement jusques à venir à coups, car au battre fault l’amour. Et toutesfois, à ce qu’en ay ouy dire, ils font si bien les chatemites, quand ils veulent avoir quelque avantage sur quelqu’une, & sont de si attrayante maniere en leurs propos