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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome III.djvu/97

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XLVIJe NOUVELLE

en cella ne autre chose luy donner occasion de rompre l’amityé qu’ilz avoient si longuement entretenue.

Le Gentil homme marié l’asseura qu’il n’y avoit jamais pensé, & que ceulx qui avoient faict ce bruict là avoient meschamment menty.

Son compaignon luy dist :

« Je sçay bien que la jalousie est une passion aussi importable comme l’amour, &, quant vous auriez ceste opinion, fusse de moy mesmes, je ne vous en donne poinct de tort, car vous ne vous en sçauriez garder ; mais d’une chose qui est en vostre puissance auroys je occasion de me plaindre, c’est que me voulussiez celer vostre malladie, veu que jamais pensée, passion ne opinion que vous ayez eue ne m’a esté cachée, pareillement de moy. Si j’estoys amoureux de vostre femme, vous ne me le devriez poinct imputer à meschanceté, car c’est ung feu que je ne tiens pas en ma main pour en faire ce qu’il me plaist ; mais, si je le vous celloys & cherchois de faire congnoistre à vostre femme par démonstrance de mon amityé, je serois le plus meschant compaignon qui oncques fut. De ma part je vous asseure bien que, combien qu’elle soyt honneste & femme de bien, c’est la personne que je veis oncques, encores qu’elle ne fût vostre, où ma fantaisie se donneroit aussy peu. Mais, en cores qu’il n’y ait poinct d’occasion, je vous re-