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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS

cile. Il épousa ensuite en Lorraine cette même Cécile qui était auprès de la Duchesse de Bar ; ainsi Cécile était fille & sœur de son mari. Ils furent enterrés dans le même tombeau en 1512 à Écouis. » (T. III, f. XXVIII, p. 6.) Millin ajoute que ce conte était imprimé sur un petit feuillet que le sacristain distribuait aux curieux qui venaient visiter l’église d’Écouis. Il dit encore que cette même histoire est racontée dans d’autres églises de France ; il cite celle d’Alincourt, village entre Amiens & Abbeville, dans laquelle on lit une épitaphe ainsi conçue :

Ci gît le fils, ci gît la mère,
Ci gît la fille avec le père,
Ci gît la sœur, ci gît le frère,
Ci gît la femme & le mari,
Et ne sont que trois corps ici.

L’auteur du Trésor des Almanachs imprimé à Paris en 1781 rapporte les vers qui précédent & ajoute : « C’est en abrégé l’odieuse aventure d’une mère qui, après avoir épousé son fils sans le savoir, en eut une fille qu’elle lui donna en mariage &, lorsqu’elle reconnut, dans la suite, ses malheurs, elle eut grand soin d’en cacher toutes les circonstances & ne les révéla qu’à sa mort. »

Gaspard Meturas a inséré cette épitaphe dans son Hortus Epitaphiorum selectorum, 1648, in-12. Il dit qu’elle se trouve dans une église à Clermont en Auvergne, & il ajoute : « La clef pour l’ouvrir consiste à dire que cette mère engendra son mari en épousant son propre père, car il s’ensuit de là qu’il était son fils, son frère & son mari, même légitimement, le mariage étant fait avec une juste ignorance de part & d’autre. »

Divers auteurs italiens, anglais & français, ont imité cette histoire. On trouve dans l’ouvrage de Dunlop, the History of Fiction, &c., 1816, in-8o, 3 vol., vol. II, p. 462, un détail curieux que nous croyons devoir reproduire : « Le sujet de la trente-cinquième Histoire tragique de Bandello est le même que celui de la comédie de Walpole intitulée : la Mère mystérieuse, & du trentième récit de la Reine de Navarre. Le commencement se trouve aussi dans une Nouvelle de Masuccio, mais la particularité du mariage n’est que dans Bandello & dans l’Heptaméron. Il est assez difficile de déterminer lequel de ces deux derniers conteurs a copié l’autre. Les Nouvelles de Bandello ont été publiées pour la première fois en 1554, celles de la Reine de Navarre en 1558. Cette Princesse, morte en 1549, n’eut aucune connaissance du livre de Bandello, & il n’est pas probable que Bandello ait vu celui de la Princesse.