Page:Marguerite de Navarre - Les Marguerites de la Marguerite des Princesses, t. 1, éd. Frank, 1873.djvu/49

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chez sa sœur d’alliance, et ce n’est point d’une Célimène qu’il eût dit :

Ma maistresse est de si haulte valeur
Qu’elle a le corps droit, beau, chaste et pudique.
Son cœur constant n’est, pour heur ou malheur,
Jamais trop gay ne trop mélancolique.

Et il résume ce portrait par un vers charmant, qui nous montre en elle :

Corps féminin, cœur d’homme et teste d’ange[1] .

Les poètes qui approchèrent, comme Marot, Bonaventure et quelques autres, de la personne de Marguerite, ont employé pour la louer le style figuré des poètes de tous les temps ; ils ont parlé surtout en hommes du XVIe siècle, usant de cette familiarité courtoise qu’avait introduite alors, entre gens de condition différente, la communauté souvent très-étroite des goûts, des études, et des idées.

Il serait inutile d’insister davantage là-dessus et de pousser plus loin l’examen des mœurs intimes de Marguerite d’Angoulême, si, par un chemin détourné, quelques critiques ne les avaient de nouveau attaquées et dénoncées, abandonnant la thèse désormais ruinée des amours faciles de la reine de Navarre, pour lui attribuer une passion coupable et, tranchons le mot, incestueuse, qui aurait consumé sa vie, et par laquelle on prétendrait expliquer son agonie douloureuse. C’est M. Génin qui,

  1. V. Génin, Notice sur Marguerite d’Angoulême (Ier vol. des Lettres publ. par Génin), p. 7-9.