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LA PREMIERE DAME.

Dont vous menez vie si langoureuse,
Et si ne puys de vous estre amoureuse.
Non que trop mieux
Ne le vallez qu'un million de lieux,
Qui sont aymez des Dames en maintz lieux.
Car je n’en voy un seul dessoubs les cieux
En qui je pense
Plus de vertu, d’amour et d’asseurance ;
Mais j’entens bien que la fin de la dance
De cest amour n’est rien que repentance,
Ou temps perdu.
J’aymerois mieux que mon cœur fust pendu
Qu’aucunement à aymer fust rendu,
Car il s’en est trop long temps defendu
Et bien gardé
Des yeux qui ont doucement regardé,
Et d’un parler gracieux et fardé ;
Pour eux ne s’est folement hazardé
Ne laissé prendre.
Vous perdez donc vostre temps d’entreprendre
De me cuyder à bien aymer apprendre,
Car maintenant j’en serois à reprendre :
Il est trop tard.
Las, j’ay congnu d’aymer sy tresbien l’art,
Que désormais j’en veux quiter ma part,
Et vivre seule en liberté à part,
Vous advisant