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LETTRES INÉDITES

LETTRES INÉDITES voir ne me portoit, elle est suffisante de me fere mourir, pour avoir puissance de bien, après tant d’ennuis et de diverses tristesses que j’ay portées ces ans passés ; dont la mutacion est si grande et la recompense tant redoublée, que si j’en avois mains espéré de Dieu, je demourois soubs le faix. Ce n’est point à moy, Monseigneur, à qui tel present doit estre envoyé, combien que nul ne le sauroit plus aimer et tenir cher. Aussy je ne le prends sinon en garde avecques tous les aultres venus de vous, le seul parement et honneur du cabinet et de vostre maison de Navarre, où avecques tout ce que Dieu y a mis, sera tout gardé, prest à le mettre à vostre coumandement et pour vostre service. Et s’il y a quelque grande place vuide en vostre cabinet, je le rempliray bien de ce qu’il vous plest me donner en garde. Vous asseurant, Monseigneur, et prenant à tesmoing la vérité, que tous biens, honneurs ny plesirs ne me pleront jamais, sinon par l’union que Dieu m’a donnée en vous, par laquelle ce qui est nostre est vostre, et celuy auquel vous m’avez unie, avecques sa fille, sont convertis en cete mienne et vostre nature ; qui m’est un repous inestimable, mais qu’il plese à Dieu, coume j’ay en luy ma parfaite fiance, tenir avecques eux en vostre bonne grace pour très humblement recommandée Vostre très humble et très obéissante subjecte et mignonue

MARGUERITE. [Ms. n’60.]