Page:Margueritte - À la mer, 1906.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ses goûts, il préférait s’en prendre à l’injustice des choses et à la mauvaise volonté des gens, personnifiées l’une et l’autre, à ses yeux, dans la résistance douce et entêtée que sa mère était bien forcée, parfois, d’opposer à ses caprices d’enfant gâté.

Mais il avait beau bouder contre lui-même, le lumineux paysage normand, avec ses gras pâturages, ses lourds bestiaux regardant, immobiles, passer le train, ses plateaux d’épis balayés d’un vent salé, ses bouquets d’arbres enveloppant des fermes, çà et là, la sérénité de la terre et du ciel très vif, d’un bleu pâle, le saisissaient d’un sentiment confus de joie et d’admiration inavouée qui touchait à l’impatience. Quand apercevrait-il, enfin, la mer ? Des voix tout à coup, à l’autre bout du wagon, des gestes la désignèrent. Mme Janville tourna la tête : là-bas, un petit triangle, un fragment de miroir, c’était l’Océan !

— Albert, vois, la mer ! dit la veuve avec un sourire qui faisait les avances et semblait demander trêve à la bouderie.

Il répliqua, sans regarder, comme si c’eût été indigne de lui de marquer une curiosité, et accentuant l’indifférence hostile de sa réponse :

— La mer, parfaitement, ça m’est bien égal !