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CROQUIS LAURENTIENS

l’accompagner, et François Bouchard est un homme qui connaît son affaire.

Mais voilà que sur la route, ployées contre le vent et la main à leurs chapeaux, deux personnes arrivent à grands pas, la mère de Laurent et Joseph Tremblay. Ce dernier est l’un de ces empiriques à réputation faite, qui ne sont jamais à bout de ressources et finissent par en remontrer à certains professionnels. Chez la mère, il n’y a pas loin du cœur à la volonté, et ces deux puissances, de concert, ont enfanté l’action rapide.

Un peu à l’écart, j’ai assisté à l’opération. Par une série de pressions délicates, l’homme fit saillir sous la plante du pied, le chas de l’aiguille, et, faute d’instruments, l’arracha toute entière avec ses dents. Et, pendant que l’aiguille passait de main en main, le guérisseur, avec un peu de boisson forte et de gomme de sapin termina son bon office.

Je ne pourrai jamais oublier l’éclair de joie qui traversa la prunelle du grand-père, lorsque parut le petit bout d’acier blanc, ni la brusquerie affectée avec laquelle, le danger passé, il gronda son petit fourré-partout.

Le soroit soufflait toujours, la mer hurlait plus fort en battant les crans, mais dans la maison personne n’y songeait plus. On respirait, on riait, on marchait sans but, et telle est l’énigmatique